Armistice du 11 novembre 1918 et l’hommage rendu à tous les morts pour la France



De l’Arc de Triomphe au Panthéon Du Soldat Inconnu à Maurice Genevoix et « ceux de 14 ».

Cette année, nous allons célébrer un 11 novembre dans des conditions très particulières, du fait de la crise sanitaire : une présence limitée devant les monuments aux morts, des drapeaux sans anciens pour les porter, un dépôt de gerbe rendu impossible, des discours transmis via internet… bref, une réalité bien triste, quand il s’agit de rendre hommage à l’ensemble de nos soldats « morts pour la France ». De fait, nous honorons ce jour-là, non seulement ceux de 14-18 mais aussi les Opex, associés depuis 2012 à cette cérémonie nationale.

En outre, l’Histoire nous rappelle qu’il y a tout juste cent ans, s’effectuait la translation du Soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe à Paris (loi du 8 novembre 1920). Le projet remonte en réalité à l’année 1916. Lors de son discours prononcé en effet le 6 novembre au cimetière de Rennes, le Président du Souvenir Français de cette ville, M. François Simon, émet l’idée de placer un
Soldat inconnu au Panthéon, lieu dédié « aux grands hommes » reconnus par la « patrie reconnaissante ». L’idée est reprise par les parlementaires en novembre 1919 et devient l’objet d’âpres discussions. Finalement, les députés se mettent d’accord sur le choix de l’Arc de Triomphe plutôt que du Panthéon, considéré comme trop « à gauche » par la majorité du Bloc national. Le 10 novembre 1920, le soldat inconnu est choisi par le jeune Auguste Thin du 132ème R.I., parmi 8 cercueils installés dans la citadelle de Verdun. Un cortège impressionnant se met en place pour accompagner le cercueil drapé du drapeau national jusqu’à la gare de Verdun.

Le lendemain, il est exposé solennellement à Paris sous l’Arc de Triomphe, où il demeure plusieurs semaines. Il est inhumé dans la crypte quelques mois plus tard, en 1921.

Or, dans notre département du Val-de-Marne, vit aujourd’hui la nièce d’Auguste Thin, qui se souvient très bien de lui car le soldat, âgé de 19 ans en 1920, ne décède qu’en 1982. Elle m’a transmis ces quelques mots, que je vous livre à présent, non sans émotion :
« J’ai toujours moi-même apprécié les qualités de mon oncle et sa bonne humeur persistante au fil des ans malgré ses problèmes de santé… Je peux encore dire que ses qualités ont continué à se manifester régulièrement jusqu’à sa disparition en 1982. Cela pouvait être lors de sollicitations de voisins, d’amis ou d’associations du souvenir, entre autres au bénéfice de familles de soldats
disparus à ses côtés. Sa modestie était certaine, comme en témoigne l’Ordre du Mérite qui lui a été conféré 60 ans plus tard. Si vous voulez l’honorer, transmettez aux générations qui se succèdent le souvenir de ceux qui ont voulu agir dans l’intérêt de leur pays. «

Avec ces mots, pleins d’amour, de reconnaissance et d’espérance prononcés par la nièce d’Auguste Thin, je vous invite aujourd’hui à célébrer ce 11 novembre 2020. Certes, nous ne pourrons être présents au pied des monuments de nos villes pour honorer de facto la mémoire de ce jeune combattant, comme celui du Soldat inconnu et, avec lui, de tous les soldats identifiés et non identifiés de 14-18, mais ne les oublions pas. N’oublions pas non plus que c’est un homme de notre association du Souvenir Français qui est à l’origine de cette belle initiative. Dans l’intimité de nos cœurs comme dans nos gestes privés de recueillement ce 11 novembre 2020, rendons hommage à tous ces hommes « morts pour la France », quels que soient leur origine, leur âge et leur parcours militaire.
Pour terminer, je souhaiterais vous livrer ces quelques mots de Maurice Genevoix, à la veille de son entrée au Panthéon avec « tous ceux de 14 », selon la volonté de notre Président de la République. Le jeune homme âgé de 25 ans évoque en 1915, alors qu’il combat aux Eparges, une dure réalité de la guerre.

Cette réalité, c’est la même souffrance vécue par les soldats, de part et d’autre des lignes de front ; c’est la même angoisse et parfois la même espérance dans les camps ennemis ; c’est le même enfer vécu par des hommes devenus un jour soldats par les velléités de l’Histoire. Oui c’est la même réalité… car simplement la même humanité !

Ecoutons Maurice Genevoix :
« On nous a fait lire, à nous, les lettres d’un soldat du 6è d’infanterie allemand. Et ce soldat écrivait aux siens, des Eparges, il y a quelques jours seulement :
‟Jamais, depuis que je suis au monde, je n’ai passé si tristement ces jours de Pâques… Je n’ose pas vous dire ce qui se passe ici, j’ai peur de vous rendre malades. Je ne puis vous dire qu’une chose, c’est que, grâce au Bon Dieu, je suis encore de ce monde. Ce n’est plus le champ de bataille de l’Argonne ; ici, la crête que nous occupons a l’aspect d’un volcan, qui ne cesse de brûler en crachant la mort autour de lui. Je suis à bout de forces, je n’ai plus la tête à moi… J’ai toutes les peines à croire que je suis encore vivant…”
Voilà ce que font les canons français ! Voilà donc la vie infernale que nous menons à nos ennemis !
Oh ! Ce n’est pas cela. Un soldat de chez nous n’a-t-il pas écrit la même lettre ? Presque tous les soldats ne l’ont-ils pas écrite, un jour ? «

Extrait de « Ceux de 14 ». Livre IV. Les Eparges. Chapitre VII. 11-24 avril 1915.

Alors, chers membres du Souvenir Français, en cette veille de 11 novembre, n’oubliez pas ces mots du souvenir, tous ces mots : ceux de François Simon en faveur de l’hommage à rendre à un soldat inconnu, ceux de la nièce d’Auguste Thin exprimés il y a quelques jours, ceux de Maurice Genevoix adressés à tous ceux de 14, qui nous disent que la guerre est une erreur et une souffrance partagée par toute l’humanité.

Aujourd’hui, sous l’Arc de Triomphe repose le Soldat inconnu ; au Panthéon Maurice Genevoix va bientôt entrer avec « tous ceux de 14 ». D’un lieu à un autre, n’est-ce pas la même Patrie reconnaissante qui se souvient de ses victimes ? N’est-ce pas la même Patrie qui veut croire qu’un jour les hommes seront les mêmes, unis non dans la souffrance mais dans la fraternité ?

De l’Arc de Triomphe au Panthéon, soyons leurs héritiers. Défendons la paix et soyons plus que jamais fiers d’être membres du Souvenir Français, pour entretenir ce devoir de mémoire auprès des jeunes générations. Merci à vous.

Sophie HASQUENOPH
Déléguée générale du Val-de-Marne.



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